Le président mexicain tente d’imposer un projet pharaonique de train touristique et de fret, 1500 km, qui relierait différents sites mayas à la côte du Yucatán, avec de graves conséquences sur les territoires indigènes de plusieurs Etats du sud-est mexicain. L’avenir de ce projet se joue en ce moment: pendant cette crise sociétale, les constructions sont entamées dans plusieurs Etats (régions du Mexique) malgré de nombreux recours. Début mars, le Conseil régional indigène et populaire de Xpujil a obtenu la suspension définitive du «Tren Maya» dans la région de Campeche, à Calakmul. La Sexta Grietas del Norte, un réseau états-unien d’appui aux luttes des peuples indigènes mexicains adhérents à la Sixième Déclaration de la Forêt Lacandone, a invité d’autres groupes et personnes à s’unir en solidarité avec nos compas qui luttent contre le mal nommé «Train Maya» (en signant les appels, les communiqués, en les diffusant dans vos espaces, en dénonçant les capitaux étrangers qui investissent dans ce projet tels que le géant chinois Jinko Solar, Pricewaterhouse, CooperSteer Davies & Gleave México, Goldman Sachs et bien d’autres. Voici le communiqué de soutien de la Sexta Grietas del Norte.
Communiqué de solidarité
Nous saluons les efforts du Conseil régional indigène et populaire de Xpujil (CRIPX) et nous les félicitons pour leur réussite à retenir la construction du mégaprojet du train dans le «couloir» de Campeche. C’est un grand succès, particulièrement en ces temps où les gouvernements profitent de la crise du Covid-19 pour faire avancer leurs agendas et attaquent les résistances et les rébellions au Mexique et dans d’autres parties du monde. Nous savons que la lutte vient juste de commencer et nous appuyons et soutenons les efforts continus pour arrêter de façon permanente la construction du train dans sa totalité. Cette lutte est loin d’être terminée car le gouvernement est décidé à réaliser ce mégaprojet qui apportera de grands bénéfices aux capitalistes qui dirigent le pays, au prix d’un coût très élevé pour la vie humaine et le milieu naturel.
Nous dénonçons les menaces, harcèlements et toutes les tentatives pour intimider et faire pression sur ceux qui luttent contre la construction du «Train maya» et nous dénonçons en particulier les agressions contre nos frères et sœurs membres du Conseil régional indigène et populaire de Xpujil, qui risquent leur vie et leurs moyens de subsistance pour lutter contre ce mégaprojet de mort.
Ce projet vise à transporter de 600.000 à 800.000 nouveaux touristes par an dans la péninsule du Yucatan. A travers des «consultations» mensongères et autoritaires, le gouvernement fait semblant d’informer et de consulter les populations locales sur les retombées du projet au prétexte que c’est un projet de «développement» qui apportera des bénéfices aux pauvres indigènes de la région: emplois, infrastructures modernes, opportunités de commerces… De fait, la vérité est tout le contraire. Ainsi furent les conclusions de beaucoup, et particulièrement celle du Conacyt (Conseil national de science et technologie), un organisme fédéral indépendant chargé de conseiller le gouvernement mexicain sur les politiques publiques en lien avec la science et le développement technologique. Cette étude, rendue au gouvernement début décembre mais qui n’a pas été publiée avant mars (beaucoup plus tard que la procédure de consultation), conclut que le mégaprojet du train aurait de graves impacts négatifs qui incluent:
- la destruction de dix domaines nationaux protégés qui apportent des bénéfices pour l’environnement tels les aquifères et la capture du carbone (qui relativisent les dommages causés par le réchauffement global);
- des impacts négatifs irréversibles sur le territoire du projet;
- la violation des droits de 146.000 indigènes qui y vivent;
- la création d’emplois précaires et temporaires;
- l’augmentation de la violence en lien avec le trafic de drogue et de personnes.
L’étude a été censurée par le gouvernement jusqu’à ce que se tienne le processus de consultation afin que les gens ignorent les dangers du train-mégaprojet. Cette étude confirme ce que nous avons largement argumenté depuis longtemps: ce mégaprojet de mort est un rêve capitaliste qui conduira à un dépouillement, déplacement et destruction de la vie des personnes qui vivent sur les zones proches, le long de la voie ferrée: foyers, agriculture, communautés, petites entreprises et commerces, y compris les entreprises écotouristiques durables. Le train est une menace pour la plus grande forêt tropicale restante de Mésoamérique, la réserve de Calakmul, considérée comme la seconde biosphère la plus importante après l’Amazonie pour sa production d’oxygène. Les mangroves de Bacalar, une des régions de mangroves les plus importantes au monde, sont aussi sur la route du train et de fait courent un grand risque («Territoires mayas au passage du train: situation actuelle et risques prévisibles»).
Le projet du «Train maya» bénéficiera aux corporations d’ingénieurs et de construction qui obtiendront de grands contrats, ainsi qu’aux chaînes hôtelières, les corporations touristiques internationales et les riches entrepreneurs qui ont les fonds pour pouvoir s’installer, verser des pots-de-vin. Ce mégatrain bénéficiera aux fonctionnaires du gouvernement qui recevront des faveurs et pots-de-vin de la part des capitalistes. Ce train bénéficiera aux industries extractives, dont les projets suivront inévitablement la route du train profitant de l’infrastructure, l’installation de transports et les forces militaires et paramilitaires de «sécurité» qui arriveront dans la région pour appuyer la construction du train, et qui serviront à protéger leurs investissements. Ils bénéficieront aussi de la répression contre la résistance tenace et l’opposition aux mégaprojets, qui est toujours un obstacle pour le capitalisme extracteur.
Il nous suffit de regarder le miroir de la Riviera maya, au nord-ouest du Yucatán, pour voir les effets que les projets touristiques massifs ont sur les personnes et le milieu naturel. Tandis que les riches se baignent dans des piscines impeccables, se relaxent sur la plage et dans des bars élégants, jouissant de cocktails exotiques et de nourritures «gourmet», ceux qui les servent touchent des salaires de misère (beaucoup ne gagnent que le salaire minimal de 7 dollars par jour) et des dizaines de milliers de sans-emploi et de sous-employés peuplent la zone qui entoure les centres touristiques dans des quartiers de pauvreté. Parmi ces «serviteurs» se trouvent des paysans qui ont été dépossédés de leurs terres ou qui ne peuvent plus en vivre, dans de nombreux cas du fait de la diminution de l’eau disponible. La multitude de centres commerciaux et de restaurants qui font de l’argent dans ces zones touristiques est la propriété de l’élite fortunée, souvent des étrangers qui avaient l’argent pour investir dans des standing luxueux que les touristes préfèrent. Les rues de Cancún sont remplies de chaînes de magasins étrangers. Les plages, vierges et pleines de poissons, sont aujourd’hui contaminées. Des centaines de milliers de tonnes d’ordures créées par les touristes contaminent l’eau, se répandent dans l’océan et transforment les terres situées à proximité des maisons des pauvres en vide-ordures débordants. L’eau volée aux champs de culture indigènes se répand de manière impudente. C’est le modèle de développement que l’on peut voir dans les luxueuses zones touristiques de l’ensemble du Mexique: une industrie touristique dévastatrice et insoutenable qui maintenant se répand à la racine de l’épidémie du Covid-19. Le gouvernement mexicain informe que Cancún est abandonnée: seuls 7 % des 90.000 chambres d’hôtel sont occupées, tandis que 60.000 travailleurs ont été congédiés dans l’Etat du Quintana Roo, ce qui représente environ 40 % de sa force de travail. Les travailleur·euses pauvres et non assisté·es des zones hôtelières, comme les pauvres et non-assistés partout dans le monde, seront les plus affecté·es par l’épidémie, tandis que messieurs les capitalistes trouveront d’autres moyens d’obtenir des gains. Au milieu de cette crise, le gouvernement trouve le moyen de continuer ce projet. Le 1er avril, il a annoncé qu’il était en train de revoir les propositions de quatorze consortiums (propriétés de multinationales chinoises et de Carlos Slim, l’homme le plus riche du Mexique) pour construire la première phase du train, qui coûtera au gouvernement entre 12.000 et 22.000 millions de pesos mexicains (de 600 millions à plus de 1000 millions de dollars US).
Le gouvernement insiste sur le fait que le projet démarrera le 30 avril.
Nous, les signataires*, dénonçons ce projet et exigeons son arrêt immédiat au bénéfice de la population locale, des paysans, de la Terre Mère, et de l’humanité elle-même. Nous donnons notre appui à toute personne qui lutte pour préserver les milieux de vie durables et particulièrement aux peuples premiers qui luttent pour préserver leur histoire et leur identité et leurs terres ancestrales. Nous devons protéger tout ce qui reste de ces milieux et ressources sacrés pour que les générations futures aient l’opportunité de survivre contre la civilisation de la mort.
- Communiqué du 17 mai 2020 à télécharger: «Demande de protection à la commission inter-américaine contre le train maya». Voir aussi Le train qui n’a pas le droit, documentaire produit par Desinformémnos en vostfr